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L'ENCERCLEMENT La démocratie dans les rets du néolibéralisme un documentaire de Richard
Brouillette
Québec (Canada), HDCam (tourné en 16mm), N&B, 2008, 160 minutes Avec : Noam
Chomsky, Ignacio
Ramonet, Normand
Baillargeon, Susan George, Omar Aktouf, Oncle Bernard, Michel
Chossudovsky, François Denord, François Brune, Martin
Masse, Jean-Luc Migué, Filip Palda and Donald J. Boudreaux
À travers les réflexions et
les analyses de plusieurs intellectuels de renom, ce documentaire trace
un portrait de l’idéologie néolibérale et examine
les différents mécanismes mis à l’oeuvre pour en
imposer mondialement les diktats.
Déréglementer,
réduire la taille de l’État, privatiser, limiter
l’inflation plutôt que le chômage, bref, financiariser et
dépolitiser l’économie : les différents dogmes de
cette pensée prêt-à-porter sont bien connus. Et
s’ils s’immiscent lentement dans nos consciences c’est qu’ils sont
diffusés à travers un vaste et inextricable réseau
de propagande.
De fait, depuis la fondation de la Société du Mont Pèlerin, en 1947, les instituts de recherche néolibéraux, ces think tanks financés par des transnationales et des grandes fortunes, propagent inlassablement la pensée néolibérale au sein des universités, dans les médias, auprès des parlementaires, etc. Cette idéologie qui s’affiche évidence, forte de la sanction historique et scientifique que semble lui avoir conférée la chute de l’URSS, a su intoxiquer tous les gouvernements, de gauche comme de droite. En effet, depuis la fin de la Guerre Froide, le rythme des réformes néolibérales est allé sans cesse s’accentuant. Souvent imposée par la force, que ce soit à travers les plans d’ajustements structurels du FMI et de la Banque Mondiale, sous la pression des marchés financiers et des transnationales ou même par la guerre, la doctrine néolibérale s’étend dorénavant à la planète entière. Mais derrière l’écran de fumée idéologique, derrière ces beaux concepts d’ordre spontané et d’harmonie des intérêts dans un libre marché, par-delà la panacée de la «main invisible», que se cache-t-il réellement ? Pourquoi ce titre ?
Le mot rets
vient du latin rete et
signifie
littéralement filet.
Il exprime l'idée de piège
tout autant que l'idée de réseau (d'ailleurs, rete a
donné en français le mot réseau). Aussi,
l'Internationale néolibérale s'est constituée en
un vaste réseau, complexe et inextricable, qui lui permet de
faire entendre sa voix polymorphe simultanément sur toutes les
tribunes imaginables, à savoir : les think tanks, le
système d'éducation, les médias, les partis
politiques, les marchés financiers, les organisations
intergouvernementales (Fonds Monétaire International, Banque
Mondiale, Organisation de Coopération et de Développement
Économique, Organisation Mondiale du Commerce, etc.), les
transnationales, les fonds de pension et les divers autres
gestionnaires de l'épargne (compagnies d'assurance, banques,
fonds mutuels, etc.), les syndicats du partenariat, etc. Chacun des
maillons de cette vaste chaîne se charge de relayer la doctrine
à un autre maillon ou, encore, directement au public. Cette
circulation de l'idéologie néolibérale à
travers tous les supports de diffusion possibles lui confère une
espèce de « monopole de l’apparence » (selon le bon
mot de Guy Debord) qui assure sa perpétuation et facilite
l’endoctrinement des masses.
Or, en déversant ce flot ininterrompu de propagande, les idéologues néolibéraux servent la cause des puissants. Car, en dénonçant l’inefficacité de l’État et des programmes sociaux, tout en glorifiant l’efficience et l’infaillibilité des marchés, en vantant les mérites de la concurrence, des inégalités sociales et du droit de propriété privé, qui, selon leurs prétentions, a préséance sur tous les autres droits, ils légitiment les réformes qui assoient le pouvoir des possédants. Ces réformes ont été adoptées en rafales à travers le monde depuis le début des années 80 et ont toujours cours, malgré la crise économique mondiale qui démontre la faillite du système néolibéral. En Occident, elles ont amené les États à abandonner des pans entiers de leur économie nationale. De l’indépendance des banques centrales dirigées par des non-élus qui fixent pourtant la politique monétaire des États, à la privatisation rampante des systèmes publics de santé, d’éducation, de transport, d’énergie et de ressources naturelles, etc., tout a été fait pour retirer des mains des citoyens le contrôle sur leur destinée économique. Mais dans les pays en développement, la situation est bien pire. Maillons essentiels du réseau néolibéral, le FMI et la Banque mondiale ont mis en chantier, à travers les plans d’ajustement structurel, des trains de réformes qui ont dévasté les États, les laissant totalement exsangues. Impuissante, la majeure partie de l’humanité a ainsi vu s’installer un colonialisme d’un genre nouveau qui, feignant l’altruisme, entretient une phénoménale déprédation. Alors qu’on vante les mérites du libre-échange, on procède à la dilapidation en bonne et due forme des ressources naturelles de territoires immenses et à l’asservissement de populations entières. Et c'est ainsi que la pensée et la démocratie, encerclées de toutes parts par la propagande et les réformes, se trouvent prises au piège, dans les rets du néolibéralisme. Structure
L'encerclement
est constitué de dix chapitres et se divise en deux grandes
parties
Première partie : portrait
général de l'idéologie néolibérale
Chapitre 1 : Introduction
Ignacio Ramonet revient sur deux
éditoriaux publiés dans Le
monde diplomatique au milieu des années 90 et qui
résument bien la problématique abordée par le film
: «Régimes globalitaires» et «La pensée
unique».
Chapitre 2 : Origines
François Denord retrace les origines
de l'idéologie néolibérale. S'attardant d'abord
sur les conditions qui en ont favorisé l'éclosion, il
nous parle ensuite de ce qui constitue les deux actes fondateurs du
mouvement néolibéral, le Colloque Walter Lippmann (1938)
et la fondation de la Société du Mont-Pèlerin
(1947) qui deviendra la maison mère de l’Internationale
néolibérale.
Chapitre 3 : Au coeur du
réseau néolibéral, les think tanks
François Denord nous décrit
comment la Société du Mont-Pèlerin a
essaimée en plusieurs associations et think tanks, dont le rôle
essentiel fut de propager l'idéologie néolibérale
dans la sphère publique afin de la faire adopter par le plus
grand nombre. Noam Chomsky explique comment l'émergence des think tanks a permis de ramener
vers la droite l'opinion publique qui, dans les années 60, se
faisait de plus en plus contestataire. Puis, nous nous transportons
vers un séminaire étudiant organisé par le Fraser
Institute et l'Institut économique de Montréal où
nous entendons Filip Palda qui énonce quelles doivent être
les limites de l’État et Donald J. Boudreaux qui nous explique
comment le capitalisme industriel a contribué à
dépolluer l'environnement.
Chapitre 4 : Petit florilège
libéral - Libertarianisme et théorie des choix publics
Martin Masse, développe sa vision du
libertarianisme, philosophie qu'il épouse entièrement et
qui met l'accent sur la liberté individuelle tout en
prônant une extrême limitation des pouvoirs de
l’État. Jean-Luc Migué, quant à lui, trace les
grandes lignes de la théorie des choix publics qui énonce
que l'adoption des politiques gouvernementales n'est pas motivée
par l'intérêt collectif mais par les intérêts
particuliers de différents groupes sociaux. Messieurs Masse et
Migué se relaient pour dénoncer l’inefficacité de
l’État et l’injustice engendrée par ses actions
coercitives, tout en louant le droit de propriété
privée et l’efficience du libre marché.
Chapitre 5 : Critiques
Normand Baillargeon, Noam Chomsky, Susan
George, Oncle Bernard et Omar Aktouf se succèdent à
l’écran pour échafauder une critique des théories
libérales classiques reprises par les néolibéraux
: la théorie de la main invisible d’Adam Smith, la
théorie des avantages comparatifs de David Ricardo, le droit de
propriété de John Locke, etc. Ils maintiennent entre
autres que ces théories, élaborées aux XVIIe et
XVIIIe siècles, qui trouvaient leur sens dans le contexte de
l’économie de cette époque lointaine, ne peuvent plus
s’appliquer à l’économie contemporaine.
Seconde partie : l’encerclement de
la pensée et de la démocratie par le
néolibéralisme
Chapitre 6 : Propagande et
endoctrinement – l’éducation
Normand Baillargeon nous parle des
dérives de l’éducation qui a délaissé son
rôle de préparation à la vie civique pour se
transformer en système de formation professionnelle au service
des entreprises. Puis, il rappelle comment le désengagement de
l’État en Amérique du Nord a permis à plusieurs
entreprises d’entrer dans les écoles, sous le prétexte de
fournir des émissions pédagogiques ou du matériel
didactique, pour déverser leur propagande à des publics
naïfs et captifs. Omar Aktouf évoque ensuite la panne de
sens que traverse actuellement la société et revient sur
le dévoiement de l’enseignement, maintenant axé sur le
marché de l’emploi, qui fait des étudiants des
serviteurs-reproducteurs du système.
Chapitre 7 : Propagande et
endoctrinement – les médias
Normand Baillargeon revient sur la
Commission Creel, qui est à l’origine des techniques modernes de
façonnement de l’opinion publique qui parviennent à
imposer une vision du monde, un vocabulaire, une manière de
penser, etc. François Brune démontre comment
l’idéologie dominante parvient à s’imposer comme
naturelle, comme allant de soi. Ignacio Ramonet, enfin, nous explique
comment les médias parviennent à créer la
vérité en établissant l’équation «
répétition égale démonstration ».
Chapitre 8 :
Néolibéralisme ou néocolonialisme – la force
d’imposition des marchés financiers
Noam Chomsky nous révèle
comment les marchés financiers parviennent à constituer
un « sénat virtuel » qui est à même de
dicter aux différents gouvernements du monde les politiques
qu’ils doivent adopter. Oncle Bernard nous décrit ensuite les
dérapages des opérations hors-bilan des banques
privées qui se soustraient au contrôle de l’État.
Il aborde ensuite le sujet des produits financiers
dérivés, relevant qu’une des caractéristiques
fondamentales du capitalisme contemporain consiste à entretenir
le risque pour pouvoir le marchandiser. Puis, Michel Chossudovsky nous
explique de façon très visuelle comment sont
menées les attaques spéculatives contre les monnaies, en
prenant exemple sur le won coréen durant la crise asiatique de
1997. Il nous fait comprendre qu’avec ces attaques, les
spéculateurs visent en fait à prendre possession de
l’économie entière des pays assaillis.
Chapitre 9 :
Néolibéralisme ou néocolonialisme – la force
d’imposition des institutions de Bretton Woods ou le consensus de
Washington
Omar Aktouf nous décrit six mesures
parmi les plus importantes des plans d’ajustement structurel du Fonds
monétaire international et de la Banque mondiale :
réduction des dépenses de l’État, privatisations,
dévaluation de la monnaie, réorientation de
l’économie nationale vers les exportations, vérité
des prix, ainsi que libéralisation des investissements et
vérité des salaires. Il détaille les effets
concrets et néfastes de ces mesures pour les populations des
pays en développement. Susan George nous explique ensuite
comment l’Organisation mondiale du commerce se place au dessus de
toutes les lois et de toutes les conventions internationales pour
dicter sa propre loi et imposer des déréglementations
économiques qui profitent avant tout aux transnationales.
Chapitre 10 :
Néolibéralisme ou néocolonialisme – la force
d’imposition de l’humanisme militaire ou « la guerre c’est la
paix »
Michel Chossudovsky revient sur les accords
de Dayton, qui ont mis fin à la guerre de Bosnie. Il rappelle
qu’en annexe de ces accords, les militaires américains avaient
eux-mêmes rédigé la constitution de la
Bosnie-Herzégovine. Et comment cette constitution, qui n’avait
aucune base citoyenne en Bosnie-Herzégovine, installait un
gouvernement colonial en donnant les rênes de l’économie
à des étrangers. Noam Chomsky conclut en rappelant que
« l’humanisme militaire » contemporain, avec ses missions
de paix et de libération qui se prétendent altruistes et
humanistes, cache en fait des guerres de conquête.
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